Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/138

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dire un mot ; nous ne savons pas le moins du monde pour qui nous devons prier Dieu.

Une vieille femme entra dans la chambre et interrompit celle qui parlait :

— En vérité, nous ne savons si c’était un homme, ou un ange de Dieu. J’étais là, attendant la mort, lorsque je vis un petit vieillard, un homme tout ordinaire, chauve, qui entra ici et demanda de l’eau. Moi, pauvre pécheresse, je murmurais : « Que vient faire ici ce mendiant ? » Et lui, le saint homme, dès qu’il connut notre misère, se débarrassa aussitôt de son sac de voyage, le posa ici et l’ouvrit.

La petite fille vint en babillant placer son mot :

— Non, fit-elle, ce n’est pas comme cela ; d’abord il a posé le sac par terre au milieu de la chambre, et ensuite il l’a repris et mis sur le banc.

En elles rivalisèrent ainsi pendant un instant à retracer les paroles et les actes du noble bienfaiteur ; elles montraient la place où il s’était assis au milieu d’eux, où il dormait, ce qu’il avait dit à celui-ci ou à celui-là.