Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/242

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Il oublie sa terre, une seule pensée le domine ; comment va-t-il arriver là-bas ? mourra-t-il en route ? Il ne sent plus ses genoux, mais il ne peut rester là.

« Si je m’arrête, après avoir tant couru, je passerai pour un fou. »

Il entend distinctement les Baskirs causer et rire, ils l’excitent même par leurs cris. Le soleil atteint les bords de l’horizon, la colline se rapproche. Voilà le bonnet de fourrure, l’argent y brille, l’Ancien est assis auprès, toujours secoué de son éternel fou rire.

« Mon rêve se réalise, s’écrie Pacôme ; j’ai de la terre maintenant, comme un roi, mais Dieu m’en laissera-t-il profiter ? »

Il se hâte, se hâte ; où est le soleil ?

L’astre est rouge, son disque élargi échancre le bout de l’horizon.

Il touche le bas de la colline au moment où le soleil disparaît.

« Tout est perdu, pense-t-il, et il gémit douloureusement. Cependant les Baskirs qui sont en haut doivent encore voir le soleil. » Il monte avec peine, encore quelques pas, il saisit le