Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/37

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— Je m’en chargerai, Votre Seigneurie.

Le gentilhomme apostropha violemment Sema :

— Tu t’en chargeras, c’est bientôt dit. Mais sais-tu pour qui tu travailles ? et cette marchandise, en connais-tu le prix ? Je veux des bottes qui puissent se porter une année, sans torsion ni trace d’usure, ni accroc d’aucune sorte. Si tu es de force, taille dans mon précieux rouleau, je te le confie ; mais si tu n’es pas sûr de toi, ne te charge pas du travail, car, je t’en préviens, à la moindre avarie, ou déchirure qui se produirait dans le délai de l’année, je te ferai jeter en prison sans pitié. Si, au contraire, l’ouvrage me satisfait, un rouble d’argent sera ta récompense.

Sema avait perdu toute assurance. Il n’osait répondre et interrogeait du regard le compagnon Michel. Comme celui-ci restait indifférent, Sema le poussa du coude en disant tout bas :

« Faut-il accepter ? »

Michel fit un mouvement de la tête qui signifiait : « Prends ce travail, tu peux le faire. »

Sur ce conseil Sema accepta et promit des bottes qui resteraient intactes pendant un an.