Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/7

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Quand on était à l’automne, il restait cependant quelque argent à la maison ; la femme du cordonnier gardait un billet de trois roubles dans sa cachette, et puis en additionnant les petits crédits faits de ci de là aux pratiques, cela présentait un total de cinq roubles vingt kopecks à ajouter aux billets.

Un matin, le cordonnier se disposa à se rendre au village afin d’acheter la peau de mouton depuis si longtemps désirée ; il endossa le mantelet ouaté de sa femme, passa par dessus son kaftan de drap, et, un bâton à la main, il se mit en route aussitôt après le déjeuner, non sans avoir soigneusement serré le billet de trois roubles dans sa poche. Tout en cheminant silencieusement, il refaisait son compte. « J’ai trois roubles, se disait-il ; avec les cinq que je vais recevoir, cela fait bien huit, et pour ce prix on peut avoir une peau de mouton fort convenable. »

À la première porte où il frappa, ce fut la femme qui vint ouvrir : son mari n’y était pas, elle promit qu’on payerait dans la huitaine ; en attendant le cordonnier ne reçut pas un kopeck.