Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/77

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s’approcha de son mari d’un air tendre et suppliant. C’était une femme d’un caractère doux et dont le cœur souffrait de toutes les cruautés exercées sur de pauvres paysans ; elle les prenait sous sa protection, et, souvent, elle réussissait à calmer les fureurs de son mari. Elle lui adressa la prière de son cœur angoissé :

— Ami de mon âme, petit Michel, lui dit-elle d’un ton caressant, n’oublie pas que c’est jour de grande fête, le saint jour consacré à Dieu, et ne commets pas un si grand péché. Je t’en prie, mon ami, pour l’amour de Jésus, laisse les paysans libres aujourd’hui.

Mais Michel Semenowitch ne se laissa pas toucher par les paroles de sa femme ; il répondit avec un rire méchant et en la menaçant du doigt :

— Il y a longtemps que tes reins n’ont senti le fouet, cela se voit ; si tu veux me pousser à bout, tu n’as qu’à te mêler ainsi des choses auxquelles tu n’entends rien.

— Mechenka, mon tendre ami, ne repousse pas mon conseil. Si tu savais le mauvais rêve que j’ai fait ! Tu étais si misérable, si misérable ! Oh ! c’était épouvantable ; je t’en prie, ne force