Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/9

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une douce chaleur dans tout le corps ; l’eau-de-vie l’avait ragaillardi ; il faisait sonner son bâton sur le sol durci par le gel, tandis que de l’autre main il faisait exécuter aux vieilles bottes de feutre les mouvements les plus désordonnés. En même temps, il marmottait des paroles incohérentes en guise de consolation.

— J’ai bien chaud, disait-il, et cependant je ne porte pas de fourrure. Un quart d’eau-de-vie a fait l’affaire. Avec ça la chaleur vous circule dans toutes les veines et on peut fort bien se passer de fourrure ; et puis ça vous allège le cœur ! Me voilà maintenant un homme content. Pourquoi se chagriner ? On ira bien son chemin sans fourrure. Mais ma femme, c’est elle qui va recommencer à me faire de la bile. Vraiment, n’est-ce pas agaçant ? Je ne travaille que pour elle ; elle me mène par le nez et je me laisse doucement faire. Mais attends ! ma chère : il faut que les roubles sortent de leur cachette ; c’est moi qui les aurai, sinon, je t’arrache la coiffe. Oh ! je le ferai comme je le dis, va ! Quoi ! je n’ai reçu que vingt kopecks ! Que pouvais-je acheter avec cette somme ? Boire un