Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/10

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coup, et c’est tout. Elle est toujours à crier qu’elle a grand besoin de ceci, qu’elle a grand besoin de cela. Et moi, croit-elle que j’aie tout ce que je désire ? Elle a la maison et le bétail, et toutes sortes de bonnes choses, tandis que moi, je suis là comme un pauvre diable qui doit pourvoir à tout. Elle ne manque pas de pain à la maison : mais qui le paie, si ce n’est moi ? Et Dieu sait où il faut prendre tout cet argent : trois roubles par semaine pour le pain seulement. Quand j’arriverai, je les trouverai tous à manger du pain : rien que pour un rouble et demi sur la table ! C’est pourquoi je veux qu’elle me donne ce qui m’appartient…

Ainsi discourant, le pauvre savetier arriva près d’une chapelle cachée dans l’une des sinuosités du chemin. Il lui sembla voir quelque chose de blanc remuer au pied de l’édifice. La nuit déjà tombée empêchait de rien distinguer à distance ; il s’approcha pour mieux voir et demeura perplexe.

— Qu’est-ce donc ? se demandait-il. Un bloc de pierre, peut-être ? Mais il n’y en a point en ce lieu. Un animal ? Cela ne lui ressemble guère.