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Page:Tolstoï - Scenes de la vie russe.djvu/97

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pouvait gagner sur lui. Il s’était proposé d’abandonner son tabac à priser, et c’est pourquoi il avait oublié à la maison sa tabatière de bouleau. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire. Chemin faisant un passant lui offrit une prise, Élisée combattît un moment, puis il succomba à la tentation, demeura en arrière pour ne pas scandaliser son compagnon de route, et une fois encore il prisa.

Jefim Tarassitsch, lui aussi, marchait allègrement vers le saint objectif, fidèle et ferme, sans trouble de conscience, sans paroles inutiles ; mais au fond de son cœur il ne remarquait pas l’allégresse de cette marche facile vers le ciel. Les soucis de son ménage ne lui sortaient pas de la tête. Il pensait toujours à ce qu’on faisait à la maison : son fils avait-il oublié de mettre en ordre ceci ou cela, et l’avait-il bien fait ? Si chemin faisant il voyait planter des pommes de terre ou porter du fumier, aussitôt il se sentait tourmenté de l’idée que son fils ne l’avait pas bien compris. Ces soucis ne lui laissaient aucun repos ; si bien qu’il eût préféré retourner chez lui pour s’assurer en personne si tout allait bien et pour mettre lui-même la main à la pâte.