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ADOLESCENCE



XXIV

OÙ MES IDÉES CHANGENT


Deux équipages sont de nouveau rangés devant le perron de Petrovskoë. L’un est une voiture fermée, dans laquelle prennent place Mimi, Catherine, Lioubotchka et une femme de chambre. Iacof en personne, l’intendant, est sur le siège et conduit. L’autre équipage est une britchka. J’y monte avec Volodia et notre nouveau laquais, Vassili.

Papa, qui doit nous suivre dans quelques jours à Moscou, est nu-tête sur le perron ; il fait le signe de la croix sur la portière de la voiture fermée et sur la britchka.

« Le Seigneur soit avec vous ! En route ! »

Iacof et le cocher (nous partions avec nos chevaux) ôtent leurs bonnets fourrés et se signent. « Dieu soit avec nous ! » Les caisses des voitures commencent à sauter sur le chemin raboteux et les bouleaux de la grande allée défilent l’un après l’autre devant nous. Je ne suis pas le moins du monde triste ; les yeux de mon esprit regardent ce qui m’attend et non ce que je quitte. À mesure que je m’éloigne des objets auxquels se rattachent les cruels souvenirs dont mon âme a été remplie jusqu’à présent, ces