Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/117

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les pas cessèrent tout à coup et j’entendis la voix de Macha : « Allons, pas de bêtise…… Marie Ivanovna vient !…. ce serait une belle affaire !

— Elle ne vient pas, » murmura la voix de Volodia, et j’entendis une lutte, comme si Volodia essayait de la retenir.

« Voulez-vous bien ôter vos mains, polisson ! » et Macha passa en courant devant moi. Son fichu arraché était tout de travers et l’on voyait son cou blanc et plein.

Je ne saurais dire à quel point cette découverte m’ébahit. Toutefois l’ébahissement céda promptement la place à la sympathie. Ce n’était déjà plus l’action de Volodia qui m’étonnait, c’était qu’il eût su deviner qu’elle lui procurerait de l’agrément. Malgré moi, j’avais envie de l’imiter.

Je passai désormais des heures entières sur le palier de l’escalier, écoutant avec une attention intense les moindres mouvements qui se faisaient à l’étage supérieur ; mais jamais je ne pus prendre sur moi d’imiter Volodia. C’était pourtant la chose du monde dont j’avais le plus envie. Parfois, caché derrière la porte, j’écoutais avec un sentiment de jalousie très pénible le vacarme qui s’élevait dans la chambre des servantes. Je me demandais ce qui arriverait si j’entrais et si j’essayais, comme Volodia, d’embrasser Macha ; ce que je répondrais, avec mon gros nez et mes cheveux en l’air, quand elle me demanderait ce que je voulais. Je l’entendais quelquefois dire à Volodia : « Voulez-vous bien me laisser tranquille, polisson ! Allez-vous-en…… Ce n’est pas Nicolas Pétrovitch qui viendrait faire des sottises comme ça…… » Elle ne se doutait pas qu’en ce même moment Nicolas Pétrovitch était caché sous l’escalier et qu’il donnerait tout au monde pour être à la place de ce polisson de Volodia.

J’étais naturellement timide, et la conscience de ma laideur augmentait ma timidité. Je suis convaincu que rien n’exerce une influence aussi grande sur la future manière d’être d’un homme que son extérieur et le sentiment d’être ou de ne pas être séduisant de sa personne.