Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/118

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J’avais trop d’amour-propre pour me résigner à être comme j’étais. Je me consolais, comme le renard, en me disant que les raisins étaient trop verts ; en d’autres termes, je m’efforçais de mépriser tous les plaisirs que procure un extérieur agréable et qui étaient, dans ma pensée, le lot de Volodia. Je les enviais de toute mon âme, mais je m’efforçais de toutes les forces de mon esprit et de mon imagination de trouver des jouissances dans un isolement orgueilleux.


XXVII

LE PETIT PLOMB


« Mon Dieu ! de la poudre !…. criait Mimi d’une voix suffoquée par l’émotion. Qu’est-ce que vous faites là ? Vous voulez donc mettre le feu à la maison, nous tuer tous ?…. »

Avec une expression d’héroïsme impossible à décrire, Mimi ordonna à tout le monde de s’écarter, se dirigea avec de grandes enjambées résolues vers le petit plomb éparpillé sur le plancher et le piétina, au mépris du péril d’une explosion subite. Lorsqu’elle jugea le danger diminué, elle appela un domestique et lui ordonna d’aller jeter toute cette poudre un peu loin, de préférence dans l’eau. Après quoi elle secoua orgueilleusement son bonnet et se dirigea vers le salon en marmottant : « Ils sont bien surveillés, il n’y a pas à dire ! »

Quand papa sortit de son aile et que nous entrâmes avec lui chez grand’mère, Mimi y était déjà. Elle était assise près de la fenêtre ; son visage avait revêtu une sorte d’expression mystérieuse et officielle, et elle regardait d’un air menaçant dans la direction de la porte. Sa main tenait un objet enveloppé dans des morceaux de papier