vous apercevez le côté à l’ombre de l’allée de tilleuls, humide de pluie et couleur lilas, la petite allée du jardin, toute mouillée et illuminée par de brillants rayons obliques ; vous entendez soudain la vie joyeuse des oiseaux ; vous voyez les insectes qui tournoient dans l’échancrure de la fenêtre briller au soleil ; vous respirez la bonne odeur qui suit la pluie, et vous pensez : « Comment n’ai-je pas honte de passer une soirée pareille à dormir ? Vite, levons-nous et courons au jardin nous réjouir de la vie. » Si cela vous est arrivé, vous avez un échantillon du sentiment violent que j’éprouvai en ce jour.
XLVIII
RÊVERIES
Je pensais : « Aujourd’hui, je me confesse ; je me purifie de tous mes péchés. Je ne le ferai plus jamais (ici, je passai mentalement en revue les péchés qui me tracassaient le plus). J’irai régulièrement, tous les dimanches, à l’église ; en revenant, je lirai encore l’Évangile pendant une heure entière ; ensuite, sur l’argent qu’on me donnera tous les mois quand je serai à l’Université, je distribuerai deux roubles et demi (un dixième) aux pauvres. Personne n’en saura rien. Ce n’est pas aux mendiants que je donnerai ; je découvrirai des pauvres dont personne ne se doute : un orphelin, ou une vieille femme.
« J’aurai une chambre pour moi tout seul (probablement celle de Saint-Jérôme) ; je la rangerai moi-même et j’y entretiendrai une propreté admirable. Je n’exigerai rien du domestique. C’est un homme comme moi. J’irai toujours à l’Université à pied (si l’on me donne une voiture, je la vendrai et l’argent sera, aussi pour les pauvres), et j’aurai soin de faire tout ce qu’il faudra. (Ce que