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LES RÈGLES DE VIE
Je pris une feuille de papier et je voulus avant tout dresser la liste de mes occupations et de mes devoirs pour l’année suivante. Il fallait régler mon papier. Ne trouvant pas de règle, je pris mon dictionnaire latin. Le résultat fut une vaste tache d’encre. De plus, le dictionnaire étant moins large que le papier, quand la plume arrivait à l’angle de la couverture, ma ligne descendait en décrivant une courbe. Je pris une autre feuille et, en ayant soin de soulever le dictionnaire après chaque ligne, je vins à bout de régler tant bien que mal. Je divisai alors mes devoirs en trois catégories : les devoirs envers moi-même, envers le prochain et envers Dieu, et je commençai à inscrire les premiers. Il s’en trouva tant, et de tant d’espèces, exigeant tant de subdivisions, que je vis la nécessité de commencer par les règles de vie : après quoi, je ferais ma liste. Je pris six feuilles de papier ; j’en fis un cahier que je cousis et j’écrivis en tête : Règles de vie. Ces trois mots étaient si gribouillés et tellement de travers, que je me demandai longtemps s’il fallait les récrire. J’étais malheureux. Je contemplais la feuille déchirée et mon barbouillage et je me disais : « Pourquoi est-ce que tout est si beau et va si bien dans ma tête, et que tout est si laid et va si mal sur mon papier et, en général, dans ma vie, dès que je veux faire l’application de n’importe laquelle de mes idées ?… »
Kolia entra :
« Le confesseur est arrivé, dit-il. Veuillez descendre écouter les prières. »
Je cachai mon cahier dans le tiroir de ma table, me regardai dans la glace, relevai mes cheveux, ce qui, dans