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au vif d’avoir été appelée étrangère. Elle a écrit…

— Je ne t’aurais jamais crue si méchante, interrompit Lioubotchka, tout à fait fâchée, en nous quittant. C’est un fait exprès. Dans ces moments-là, tout vous introduit au péché. Je ne t’assomme pas avec tes sentiments et tes souffrances, moi. »


LI

LA CONFESSION


Ce fut avec cette absence de recueillement et ces distractions que je rentrai au divan. Tout le monde était rassemblé. Le moine se leva et se prépara à lire la prière qui précède la confession. À peine sa voix pénétrante et grave se fut-elle élevée au milieu du silence général, que je retrouvai mes impressions du matin, particulièrement à ces mots : « Découvrez tous vos péchés, sans honte, sans réticence et sans chercher à vous justifier, et votre âme sera purifiée devant Dieu ; mais si vous cachez quelque chose, vous serez chargé d’un grand péché. » À ce passage, toute la pieuse frayeur que j’avais ressentie le matin à la pensée du saint mystère se réveilla en moi. Je jouissais d’en avoir conscience et je m’efforçais de prolonger cet état en arrêtant mes pensées et m’évertuant à avoir peur.

Papa alla se confesser le premier. Il demeura très longtemps enfermé dans la chambre de grand’mère. Nous tous, dans le divan, nous nous taisions, ou nous discutions à voix basse à qui succéderait à papa. Enfin, la voix du moine s’éleva de nouveau à travers la porte, lisant les prières, puis on entendit le pas de papa. La porte cria et papa parut, toussaillant selon son habitude, son tic dans l’épaule et ne regardant personne.