(il sourit ironiquement), les enfants sont devenus grands : il est temps de travailler sérieusement. Alors, ici, ils n’apprennent rien, Kolia ?
— Comment apprendre mieux, bien sûr ? dit Kolia en posant son alêne et en tirant à deux mains sur son fil.
— Oui, à présent qu’on n’a plus besoin de moi, on me met à la porte. Que sont devenues les promesses et la reconnaissance ? J’ai un profond respect et une grande affection pour Nathalie Nicolaïevna (il posa la main sur son cœur) ; mais, Kolia, qu’est-ce qu’elle est ici ? Elle ne compte pas dans la maison, voilà la vérité. (En prononçant ces mots, il envoya les rognures de cuir par terre d’un geste expressif.) Je sais qui m’a joué ce tour et pourquoi je suis devenu inutile : c’est parce que je ne suis pas un flatteur et que je ne dis pas amen à tout, comme certaines personnes. J’ai l’habitude (il prit un ton fier) de dire toujours la vérité, et devant tout le monde. Que Dieu leur pardonne ! Ce n’est pas de ne plus m’avoir qui les enrichira, et moi, grâce à Dieu, je trouverai toujours à gagner un morceau de pain ; n’est-ce pas, Kolia ? »
Kolia leva la tête et regarda Karl Ivanovitch comme pour s’assurer qu’il trouverait réellement un morceau de pain ; mais il ne répondit rien.
Karl Ivanovitch parla longtemps sur ce ton. Il raconta combien on avait mieux apprécié ses services chez un général où il avait été avant de venir chez nous (je fus très peiné d’apprendre cela) ; il parla de la Saxe, de ses parents, de son ami le tailleur Schönheit, etc., etc.
Je compatissais à son chagrin et il m’était pénible de voir que papa et Karl Ivanovitch, que j’aimais presque autant l’un que l’autre, ne se comprenaient pas. Je retournai dans mon coin, m’assis sur mes talons et me mis à rêver aux moyens de les réconcilier.
En rentrant dans la classe, Karl Ivanovitch me dit de me lever et de préparer mon cahier de dictées. Quand tout