Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/204

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satisfaction dura jusqu’à notre porte, sans que j’en fusse distrait par la vue de la foule bariolée des gens du peuple, grouillant au soleil dans toutes les rues. Mais, arrivé à notre porte, ma satisfaction s’évanouit. Je n’avais pas les 80 copecks promis au cocher. Gavrilo, le maître d’hôtel, à qui je devais déjà de l’argent, refusait de m’en prêter d’autre. Le cocher, me voyant traverser la cour deux fois en courant, devina ce que je cherchais. Il descendit de son siège, et lui, qui m’avait paru si brave homme, il se mit à déblatérer à haute voix, avec l’intention évidente de me blesser, contre les gaillards qui prennent des voitures sans avoir de quoi les payer.

Toute la maison dormait encore. Je ne pouvais demander les 80 copecks qu’aux domestiques. À la fin, Vassili paya ma voiture, sur ma parole d’honneur de le rembourser. Je lus sur sa figure qu’il n’en croyait pas un mot ; mais il m’était attaché et se rappelait le service que je lui avais rendu.

Ce qui me restait des sentiments du départ s’en alla en fumée. Lorsque je m’habillai pour aller à l’église avec les autres et qu’il se trouva que mon habit n’avait pas été recousu et n’était pas mettable, je péchai d’une manière effroyable. Je m’approchai de la communion dans une disposition d’esprit singulière. Mes idées se dépêchaient, pour ainsi dire, et je ne croyais plus du tout, mais du tout, à mes inclinations vertueuses.


LIV

PRÉPARATION AUX EXAMENS


Le jeudi après Pâques, papa partit pour la campagne avec ma sœur, Mimi et Catherine. Dans toute la grande maison de grand’mère, il ne resta que Volodia, moi et