Saint-Jérôme. Les dispositions dans lesquelles je m’étais trouvé le jour de ma confession et le jour de ma visite au couvent achevèrent de s’effacer, ne me laissant qu’un souvenir vague, bien qu’agréable. Ce souvenir lui-même ne tarda pas à s’engloutir dans les impressions nouvelles d’une vie plus libre.
Le cahier portant l’en-tête Règles de vie demeura enfoui avec mes cahiers de devoirs. L’idée de me fixer des règles pour toutes les circonstances de la vie et de les suivre fidèlement me plaisait toujours autant. Elle me paraissait toujours facile à réaliser ; et, en même temps, je lui trouvais de la grandeur. J’avais l’intention de la mettre à exécution ; seulement j’oubliais de le faire et je remettais à plus tard. Ce qui me consolait, c’est que toutes les idées qui me venaient à présent dans la tête rentraient d’elles-mêmes dans l’une des trois divisions des Règles et devoirs : envers le prochain, envers soi-même et envers Dieu. « Je mettrai tout ça, pensais-je, et encore beaucoup d’autres idées qui me viennent sur le même sujet. » Je me demande souvent à quel moment j’ai été le plus près de la vérité : à l’époque où je croyais à la toute-puissance de l’esprit humain, ou à l’époque où je me suis mis à douter de la vigueur et de l’étendue de notre esprit, parce que mon propre développement s’était arrêté ? Je suis incapable de me donner une réponse positive.
Le sentiment de la liberté et cette attente juvénile, dont j’ai parlé, d’un événement extraordinaire, me causaient une telle agitation, que je n’étais vraiment pas maître de moi et que je me préparai très mal à mes examens. Le matin, par exemple, j’étais dans la classe et je savais qu’il fallait absolument travailler, car il y avait deux des questions de l’examen du lendemain que je n’avais même pas lues. Tout à coup une odeur de printemps entre par la fenêtre : il me semble de la dernière importance de chercher à me rappeler une certaine chose, mes mains posent d’elles-mêmes leur livre, mes pieds se mettent d’eux-mêmes