quelle âme elle a ! quel cœur ! Et des principes !… Je suis sûr que tu ne trouverais pas sa pareille dans tout notre monde actuel. »
J’ignore à qui Dmitri avait emprunté l’habitude de dire que tout ce qui était bien était rare dans le monde actuel. C’était une phrase qu’il répétait volontiers, et qui lui allait bien.
« Je ne crains qu’une chose, poursuivit-il paisiblement après avoir ainsi foudroyé de son indignation les gens assez sots pour aimer la beauté. J’ai peur que tu ne la comprennes pas tout de suite, que tu n’aies de la peine à la connaître. Elle est réservée et même un peu renfermée ; elle n’aime pas à montrer ses belles et étonnantes qualités. Tiens, ma mère, que tu vas voir, est une femme excellente, intelligente — elle connaît Lioubov Serguéievna depuis plusieurs années — eh bien ! elle ne peut ni ne veut la comprendre. Hier même….. Je vais te raconter pourquoi j’étais de mauvaise humeur quand tu me l’as demandé. Avant-hier, Lioubov Serguéievna m’a prié d’aller avec elle chez Ivan Iacovlevitch — tu as entendu parler d’Ivan Iacovlevitch ? — Il passe pour fou ; en réalité, c’est un homme remarquable. Il faut te dire que Lioubov Serguéievna est très religieuse et comprend parfaitement Ivan Iacovlevitch. Elle va souvent le voir et lui donne pour les pauvres de l’argent qu’elle gagne avec son travail. Tu verras quelle femme admirable. Je m’en vais donc avec elle chez Ivan Iacovlevitch ; je lui suis très reconnaissant de m’avoir fait connaître cet homme remarquable. Eh bien ! maman ne peut absolument pas comprendre ça : elle appelle ça de la superstition. Je me suis disputé avec maman, hier soir, pour la première fois de ma vie, et assez chaudement, conclut-il avec un mouvement nerveux du cou, qui était comme une réminiscence de l’effet que lui avait produit cette querelle.
— Eh bien, quelle est ton idée ? demandai-je pour le distraire de ce souvenir désagréable. Comment crois-tu