Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/156

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— Bonjour, Loukachka ! bonjour, frère, crièrent de joyeuses voix ; nous as-tu apporté beaucoup d’argent ? Es-tu revenu pour longtemps ? Il y a des siècles que nous ne t’avons vu.

— J’arrive avec Nazarka pour une seule nuit, répondit Lucas en faisant siffler sa nagaïka et en avançant vers les jeunes filles.

— Marianka a eu le temps de t’oublier », dit Oustinka, en poussant Marianna du coude et en riant de son rire perçant.

Marianna recula devant le cheval, et, rejetant la tête en arrière, regarda le Cosaque de ses yeux calmes et étincelants.

« C’est vrai, il y a longtemps que tu n’es venu… Vas-tu nous écraser sous les sabots de ton cheval ? » dit-elle tout à coup sèchement et en se détournant.

Lucas était arrivé en très belle humeur ; son visage rayonnait de bonheur et d’orgueil ; la froideur de Marianna le piqua au vif ; il fronça les sourcils.

« Mets-toi sur mon étrier, ma mie ! je t’enlèverai dans les montagnes ! » s’écria-t-il subitement, comme pour chasser de noires pensées, et, caracolant parmi les jeunes filles, il se pencha vers Marianna : « Je m’en vais t’embrasser ! oh ! comme je t’embrasserai ! »

Marianna leva les yeux vers lui, rencontra son regard et rougit.

« Va-t’en ! tu m’écrases les pieds, dit-elle, baissant la tête et regardant ses jambes fines tendues de bas bleus à flèches brodées et ses souliers rouges galonnés d’argent.

— Je m’en vais soigner mon cheval, dit Lucas, et je reviens, avec Nazarka, faire bombance toute la nuit. »

Il donna un coup de nagaïka à son cheval et tourna dans la rue latérale. Il arriva, suivi de Nazarka, aux deux cabanes de front.

« Nous y voilà ! reviens vite ! cria-t-il à son compagnon.