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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/164

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— Adieu, Marianna ! Demain, j’irai me déclarer à ton père ; ne lui dis rien en attendant.

— Qu’ai-je à lui dire ? » répondit Marianna.

Les jeunes filles s’enfuirent.

Resté seul, Olénine récapitula ses souvenirs. Il avait passé la soirée en tête-à-tête avec Marianna dans un coin, derrière le poêle. Oustinka, les autres filles et Béletsky n’avaient pas quitté la chambre. Olénine parlait tout bas à Marianna.

« M’épouseras-tu ?

— C’est toi qui ne voudras pas de moi ! répondait-elle avec calme et en souriant.

— M’aimes-tu ? réponds, au nom de Dieu.

— Pourquoi ne t’aimerais-je pas ? Tu n’es pas borgne, disait Marianna en riant et en serrant les mains du jeune homme dans ses mains vigoureuses.

— Je ne plaisante pas, réponds, consens-tu ?

— Pourquoi pas ? si mon père y consent.

— Si tu me trompes, je deviens fou. Je parlerai demain à tes parents. »

Marianna éclata de rire.

« Pourquoi ris-tu ?

— C’est que c’est drôle !

— Je dis vrai ; j’achèterai une cabane, un jardin ; je me ferai Cosaque.

— Prends garde ! ne va pas faire l’amour avec d’autres femmes : je suis très jalouse. »

Olénine se rappelait ces paroles avec transport. Il perdait la respiration de bonheur, mais il souffrait de l’entendre parler avec tant de calme. Elle n’était nullement émue, elle ne paraissait ni ajouter foi à ses paroles ni avoir conscience de la nouvelle position qu’il lui offrait. Peut-être l’aimait-elle en ce moment, mais il n’y avait pas d’avenir pour elle. Il était pourtant heureux qu’elle consentît à l’épouser, et il cherchait à croire à sa parole.

« Oui, pensait-il, nous nous comprendrons quand elle