Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/207

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« Si au moins c’était ici, pensa-t-il en désignant le haut de sa cuisse, et si la balle contournait l’os ! Mais si c’est un éclat, fini ! »

Mikhaïlof atteignit heureusement les casemates en suivant les tranchées ; dans l’obscurité la plus complète, aidé d’un officier de sapeurs, il plaça ses gens au travail ; puis il s’assit dans un trou, à l’abri du parapet. On tirait rarement ; de temps à autre, tantôt chez nous, tantôt chez lui, brillait un éclair, et l’amorce enflammée de la bombe traçait un arc de feu sur le ciel sombre, rempli d’étoiles ; mais les projectiles tombaient fort loin, derrière ou à droite du logement dans lequel le capitaine s’était blotti au fond d’un trou. Il mangea un morceau de fromage, but quelques gouttes d’eau-de-vie, alluma une cigarette, et, sa prière faite, il essaya de dormir.


IV


Le prince Galtzine, le lieutenant-colonel Néferdof et Praskoukine — que personne n’avait invité et avec lequel personne ne causait, mais qui les suivait quand même — quittèrent le boulevard pour aller prendre le thé chez Kalouguine.

« Achève donc ton histoire sur Vaska Mendel », disait Kalouguine.

Débarrassé de son manteau, il était assis à côté de la fenêtre dans un fauteuil bien rembourré et déboutonnait le col d’une chemise en fine toile de Hollande, soigneusement empesée :

« Comment s’est-il remarié ?

— C’est impayable, je vous dis ! Il fut un temps où l’on ne parlait que de cela à Pétersbourg », répondit en riant le prince Galtzine.

Il quitta le piano, devant lequel il était assis, et se rapprocha de la fenêtre.