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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/208

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« C’est impayable ! Je connais tous les détails… »

Et vivement, avec esprit et gaieté, il se mit à conter l’histoire d’une intrigue amoureuse que nous passerons sous silence, vu le peu d’intérêt qu’elle nous offre. Ce qui frappait chez tous ces messieurs, assis l’un sur la fenêtre, l’autre au piano, le troisième sur un meuble, les jambes repliées, c’est qu’ils semblaient de tout autres hommes que l’instant d’avant sur le boulevard. Plus de morgue, plus de cette ridicule affectation envers les officiers d’infanterie ; ici, entre eux, ils se montraient tels qu’ils étaient : de bons enfants, gais et en train ; leur conversation roulait sur leurs camarades et leurs connaissances de Pétersbourg.

« Et Maslovsky ?

— Lequel ? le uhlan ou le garde à cheval ?

— Je les connais tous deux. De mon temps, le garde à cheval n’était qu’un gamin fraîchement sorti de l’école. Et l’aîné, est-il capitaine ?

— Oh ! depuis longtemps.

— Est-il toujours avec sa bohémienne ?

— Non, il l’a quittée… »

Et la conversation de continuer sur ce ton.

Le prince Galtzine chanta à ravir une chanson tzigane en s’accompagnant au piano. Praskoukine, sans que personne l’en eût prié, fit la seconde voix, et si bien, qu’on l’engagea à recommencer, ce dont il fut enchanté.

Un domestique apporta sur un plateau d’argent du thé, de la crème, des craquelins :

« Offres-en au prince, lui dit Kalouguine.

— N’est-ce pas étrange de penser, fit Galtzine, en buvant son verre de thé près de la fenêtre, que nous sommes ici dans une ville assiégée, et que nous avons un piano, du thé avec de la crème, tout cela dans un logement que je serais heureux d’habiter à Pétersbourg.

— Si nous n’avions pas même cela, dit le vieux lieutenant-colonel, toujours mécontent, l’existence serait into-