Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/210

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« Adieu, messieurs, au revoir ! nous nous retrouverons cette nuit », leur cria Kalouguine par la fenêtre, tandis qu’ils partaient au grand trot, penchés sur l’arçon de leurs selles cosaques.

Le bruit des sabots de leurs chevaux s’évanouit promptement dans la rue obscure.

« Voyons ! dites-moi, y aura-t-il véritablement quelque chose cette nuit ? dit Galtzine, accoudé auprès de Kalouguine sur l’appui de la fenêtre, d’où ils regardaient les bombes qui s’élevaient au-dessus des bastions.

— Je puis bien te le dire, à toi. Tu as été, n’est-ce pas, sur les bastions ? »

Bien que Galtzine n’y eût été qu’une fois, il répondit par un geste affirmatif.

« Eh bien ! en face de notre lunette il y avait une tranchée… »

Et Kalouguine, qui n’était pas un spécialiste, mais qui était convaincu de la justesse de ses aperçus militaires, se mit à expliquer, en s’embrouillant et en employant à tort et à travers des termes de fortification, l’état de nos travaux, les dispositions de l’ennemi et le plan de l’affaire qui se préparait.

« Oh ! oh ! on commence à tirer ferme contre les logements ; vient-elle de chez nous, vient-elle de chez lui, celle qui éclate là ? »

Et les deux officiers, couchés sur la fenêtre, regardaient les lignes de feu que les bombes traçaient en se croisant dans les airs, la fumée blanche de la poudre, les éclairs qui précédaient chaque coup et illuminaient une seconde le ciel d’un bleu noir ; ils écoutaient le grondement de la canonnade, qui allait en augmentant.

« Quel charmant coup d’œil ! fit Kalouguine, attirant l’attention de son hôte sur ce spectacle d’une beauté réelle. Sais-tu que parfois on ne distingue pas une étoile d’une bombe ?

— Oui, c’est vrai, je l’ai prise tout à l’heure pour une