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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/209

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lérable. Cette continuelle attente de quelque chose,… voir tous les jours tuer, tuer sans cesse… et vivre dans la boue, sans le moindre confort…

— Et nos officiers d’infanterie, interrompit Kalouguine, eux qui vivent sur les bastions avec les soldats, qui partagent leur soupe dans le blindage,… comment font-ils ?

— Comment ils font ? Ils ne changent pas de linge, il est vrai, pendant dix jours, mais ce sont des gens étonnants, de vrais héros ! »

Juste à ce moment, un officier d’infanterie entra dans la chambre.

« Je… j’ai reçu l’ordre… de me rendre auprès du général…, auprès de Son Excellence, de la part du général N… », dit-il en saluant timidement.

Kalouguine se leva, et, sans rendre son salut au nouveau venu, sans l’engager à s’asseoir, avec une politesse blessante et un sourire officiel, il le pria d’attendre ; puis il continua de causer en français avec Galtzine, sans accorder la moindre attention au pauvre officier, qui restait planté au milieu de la chambre et ne savait que faire de sa personne.

« Je suis envoyé pour une affaire urgente, dit enfin ce dernier, après une minute de silence.

— Si c’est ainsi, veuillez me suivre. »

Kalouguine mit son manteau et se dirigea vers la porte. Un instant après, il revint de chez le général.

« Eh bien ! messieurs, je crois que cela chauffera cette nuit.

— Ah ! quoi ? une sortie ? demandèrent-ils tous à la fois.

— Je ne sais pas, vous le verrez vous-même ! répondit-il avec un sourire énigmatique.

— Mon commandant est au bastion, il faut donc que j’y aille », dit Praskoukine en mettant son sabre.

Personne ne lui répondit ; il devait savoir ce qu’il avait à faire.

Praskoukine et Néferdof sortirent pour se rendre à leur poste.