Aller au contenu

Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vers les soldats, les civières, les brancardiers qui entraient avec des blessés et sortaient avec des morts, Galtzine pénétra dans la première pièce, jeta un coup d’œil autour de lui, recula involontairement et sortit précipitamment dans la rue ; ce qu’il avait vu était par trop épouvantable !


VII


La grande salle, haute et sombre, éclairée seulement par quatre ou cinq bougies que les médecins promenaient en examinant les malades, était, à la lettre, bourrée de monde. Les brancardiers apportaient sans cesse de nouveaux blessés et les rangeaient côte à côte sur le sol ; la presse était telle, que ces malheureux se poussaient et baignaient dans le sang de leurs voisins. Des mares de sang stagnantes aux places vides, la respiration fiévreuse de quelques centaines d’hommes, la transpiration des porteurs, et, se dégageant de tout cela, une atmosphère lourde, épaisse, puante, dans laquelle brûlaient sans éclat les bougies allumées sur différents points de la salle ; un murmure confus de gémissements, de soupirs, de râles interrompus par des cris perçants. Des sœurs, dont les figures calmes exprimaient non point la compassion futile et larmoyante de la femme, mais un intérêt actif et vivant, glissaient çà et là, au milieu des capotes et des chemises ensanglantées, enjambant parfois les blessés, portant des médicaments, de l’eau, des bandages et de la charpie. Les médecins, les manches retroussées, agenouillés devant les blessés, sous la lueur des flambeaux tenus par leurs aides, examinaient et sondaient les plaies, malgré les cris épouvantables et les supplications des patients. Assis à une petite table, à côté de la porte, un major inscrivait le numéro 532.

« Ivan Bogoïef, fusilier à la 3e compagnie du régiment