Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Alors levez-vous, car je m’ennuie » ; et l’officier du train rejoignit ses hôtes. « Donne-nous du porter de Symphéropol », cria-t-il à son domestique.

Celui-ci, poussant Volodia, retira de dessous le banc avec fierté, à ce qu’il sembla au jeune homme, une bouteille du porter demandé.

La bouteille était vide depuis quelque temps, mais la conversation allait son train, lorsque la toile de la tente s’écarta pour laisser passer un homme de petite taille, en robe de chambre bleue avec cordelières et glands, en casquette à passepoil rouge, ornée d’une cocarde. Les yeux baissés et tortillant sa moustache noire, il ne répondit au salut des officiers que par un imperceptible mouvement d’épaules.

« Donne-moi un verre, dit-il en s’asseyant près de la table. — Vous venez assurément de Pétersbourg, jeune homme ? reprit-il d’un air aimable en s’adressant à Volodia.

— Oui, et je vais à Sébastopol.

— De votre propre chef ?

— Oui.

— Et pourquoi diable y allez-vous ? — Messieurs, vrai, je ne comprends pas cela, poursuivit le commissionnaire. Il me semble que, si je le pouvais, je m’en retournerais à pied à Pétersbourg ! J’en ai par-dessus la tête, de cette existence maudite !

— Mais de quoi vous plaignez-vous ? lui demanda l’aîné des Koseltzoff ; vous menez ici une vie fort enviable ! »

Le commissionnaire, surpris, lui jeta un regard, se détourna, et, s’adressant à Volodia :

« Ce danger constant, ces privations (car on ne peut rien se procurer), tout cela est terrible ! Je ne vous comprends vraiment pas, messieurs ! Si encore vous en retiriez quelques avantages ! mais est-ce agréable, je vous le demande, de devenir à votre âge impotent pour le reste de vos jours ?

— Les uns cherchent à se faire des revenus, les autres