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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/263

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« Que d’argent, que d’argent, mon Dieu ! dit Koseltzoff Ier, qui, en entrant, jeta un regard avide sur les assignats. Si vous m’en prêtiez la moitié, Vassili Mikhaïlovitch ! »

L’officier du train fit la grimace à la vue des visiteurs, et, ramassant l’argent, les salua sans se lever.

« Oh ! si c’était à moi, mais c’est l’argent de la couronne, batiouchka ! mais qu’avez-vous là ? »

Il regardait Volodia, pendant qu’il tassait les papiers et les remettait dans une cassette ouverte à côté de lui.

« C’est mon frère, il sort de l’école. Nous venons vous demander où se trouve le régiment.

— Asseyez-vous, messieurs, leur dit-il en se levant pour passer dans la tente ; peut-on vous offrir un peu de porter ?

— Va pour le porter, Vassili Mikhaïlovitch. »

Volodia, sur qui les grands airs de l’officier du train produisaient une profonde impression, de même que son laisser-aller et le respect que lui témoignait son frère, se disait en s’asseyant timidement sur le bord du divan : « Cet officier que tout le monde respecte est sans doute bon enfant, hospitalier, et probablement très brave ».

« Où est donc notre régiment ? demanda le frère aîné à l’officier qui avait disparu sous la tente.

— Que dites-vous ? » lui cria ce dernier.

L’autre répéta sa question.

« J’ai vu Seifer aujourd’hui » répondit-il ; il m’a raconté qu’il se trouvait au cinquième bastion.

— Est-ce sûr ?

— Si je le dis, c’est sûr ; du reste, que le diable l’emporte ! il ne prend pas cher pour mentir ! Dites donc, ajouta-t-il, voulez-vous du porter ?

— J’en boirais volontiers » répondit Koseltzoff.

— Et vous, Ossip Ignatiévitch, reprit la même voix sous la tente en s’adressant au commissionnaire qui dormait, voulez-vous boire ? Assez dormi, il est près de cinq heures !

— Finissez donc cette scie ! vous voyez bien que je ne dors pas, répondit une voix grêle et paresseuse.