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Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/304

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XXIII


De ce côté de la baie, entre Inkerman et les fortifications du nord, au milieu de la journée, sur la butte du télégraphe, se tenaient deux marins ; à côté d’eux, un officier examinait Sébastopol à travers une lunette d’approche, et un autre à cheval, accompagné d’un Cosaque, venait de le rejoindre près de la grande perche à signaux.

Le soleil planait au-dessus du golfe, dont les eaux se jouaient gaiement dans ses rayons chauds et lumineux, couvertes de navires à l’ancre, de voiliers et d’embarcations en mouvement. Une légère brise agitant à peine les feuilles de quelques buissons de chênes rabougris, qui croissaient à côté du télégraphe, gonflait les voiles des bateaux et faisait onduler doucement les vagues. De l’autre côté du golfe se voyait Sébastopol, toujours le même : avec son église inachevée, sa colonne, son quai, le boulevard qui tranchait en vert sur la montagne, l’élégant édifice de sa bibliothèque, ses petits lacs d’un bleu azur avec leur forêt de mâts, ses aqueducs pittoresques, et, au-dessus de tout cela, des nuages d’une teinte bleuâtre, formés par la fumée de la poudre, éclairés de temps à autre par la flamme rouge des décharges ; c’est toujours le même Sébastopol fier et beau, avec son air de fête, entouré d’un côté de montagnes jaunes couronnées de fumée, de l’autre de la mer d’un bleu profond et brillant scintillant au soleil. À l’horizon, là où la fumée d’un bateau à vapeur trace une ligne noire, rampent des nuages blancs, étroits, précurseurs du vent ; sur toute la ligne des fortifications, le long des montagnes, du côté gauche surtout, jaillissent, tout à coup déchirés par un éclair visible, quoique en plein jour, des panaches d’une fumée blanche et épaisse, qui, revêtant des formes variées, s’étend, s’élève et se colore sur le ciel