Lucas ne répondit rien ; il était vexé de l’avidité du chef, mais il savait devoir lui céder. Il fronça le sourcil et jeta à terre le caftan du Tchétchène.
« Si ce diable avait du moins un habit convenable, dit-il ; mais non, une véritable guenille.
— Elle te servira pour aller couper du bois, dit un Cosaque.
— Mosé ! je m’en vais à la maison, dit Lucas à l’ouriadnik, oubliant son dépit et voulant tirer parti du cadeau qu’il lui faisait.
— C’est bon, va ! Enfants, traînez le corps vers le cordon, dit l’ouriadnik sans cesser d’examiner le fusil, et faites une hutte de branchages pour le garantir de la chaleur ; on viendra peut-être le racheter.
— Il ne fait pas si chaud, observa quelqu’un.
— Non, mais les chacals peuvent le déchirer, répliqua l’un des Cosaques.
— Nous posterons une garde ; on viendra le racheter, et il ne serait pas bon qu’on le trouvât déchiré par les chacals.
— Eh bien ! Lucas, fais comme tu l’entends, mais donne un seau d’eau-de-vie aux camarades, dit l’ouriadnik.
— Certainement ! certainement ! crièrent à l’unisson les Cosaques ; vois quelle chance Dieu te donne : pour ton premier coup tu abats un Abrek !
— Achète le poignard et le caftan, répondit Lucas ; donne-m’en bon prix, et que Dieu te bénisse ! Je vends aussi le haut-de-chausses, je n’y entrerais pas ; ce diable était maigre comme une allumette. »
Un des Cosaques acheta le caftan pour une pièce d’argent ; un autre promit deux seaux d’eau-de-vie pour le poignard.
« Buvez, mes amis, dit Lucas, je vous donne un seau d’eau-de-vie ; je l’apporterai de la stanitsa.
— Et le pantalon ? le donneras-tu aux filles pour qu’elles s’en fassent des mouchoirs ? » dit Nazarka.
Les Cosaques éclatèrent de rire.