Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/44

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L’ange du silence s’était envolé. Les Cosaques se remirent en mouvement, et les gais propos recommencèrent. Deux d’entre eux allèrent tailler des branches pour la hutte, d’autres retournèrent au cordon. Lucas et Nazarka coururent se préparer au départ pour la stanitsa.

Une demi-heure plus tard, tous deux traversaient en courant les épais taillis qui séparent le Térek de la stanitsa, et ils ne cessaient de parler entre eux.

« Ne lui dis pas que c’est moi qui t’envoie, disait Lucas d’un ton bref ; sache seulement si le mari est à la maison.

— Et moi, j’irai chez Jamka ; ferons-nous bombance ce soir ? demanda Nazarka, toujours prêt à obéir.

— Certainement ! aujourd’hui ou jamais ! » répondit Lucas.

Arrivés à la stanitsa, les deux Cosaques se rafraîchirent d’un verre d’eau-de-vie, et se jetèrent à terre pour dormir jusqu’au soir.


X


Trois jours après l’événement qui vient d’être raconté, deux compagnies d’un régiment d’infanterie venaient prendre leurs quartiers à Norumlinsk. Les fourgons dételés occupaient la place publique ; les cuisiniers militaires apportaient des bûches mal gardées dans les cours, et préparaient le souper. Les sergents faisaient rappel de leurs hommes ; les fourriers enfonçaient des pieux pour le piquet ; les quartiers-maîtres allaient de rue en rue décider, comme de droit, où loger officiers et soldats. On voyait au milieu du bourg les caissons peints en vert, les chariots à munitions, les chevaux, les chaudrons où fumait la soupe ; le capitaine, le lieutenant et le sergent, tous étaient là. Les compagnies avaient reçu l’ordre de loger dans ce bourg, les soldats étaient donc chez eux.