Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/53

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— Et que signifie ce mot ? demanda Olénine.

— Cela veut dire : « bien » en géorgien. C’est mon mot de prédilection, mon dicton favori ; quand je dis karga, c’est que je suis de bonne humeur. Mais, dis donc, pourquoi ne sert-on pas d’eau-de-vie ? Tu as probablement un soldat à ton service ?

— Oui. Ivan ! cria-t-il.

— Tous les vôtres se nomment donc Ivan ?

— Le mien se nomme réellement ainsi. Vania ! va, je te prie, demander de l’eau-de-vie à notre hôte et apporte-nous-en.

— Ivan ou Vania, c’est tout comme ! Mais pourquoi tous vos soldats se nomment-ils Ivan ? répétait le vieux. Ivan ! demande à la vieille de l’eau-de-vie du tonneau déjà entamé, c’est le meilleur de toute la stanitsa. Mais ne lui donne pas plus de 30 kopeks pour un huitième de litre ! la vieille sorcière ne demanderait pas mieux que de se graisser la patte. Nos gens sont bêtes en diable, continua-t-il sur un ton de confidence, après que Vania eut quitté la cabane ; ils vous prendront pour des brutes, vous êtes à leur avis pires que des Tatares, — des enfants de perdition, des Russes ! Quant à moi, tout homme est homme, à mon avis, fût-ce même un soldat : il a une âme. N’ai-je pas raison ? Ilia Masséitch était soldat, et quel cœur d’or ! Est-ce ainsi, père ? Voilà pourquoi les nôtres ne m’aiment pas, mais je ne m’en soucie guère. Je suis bon vivant, j’aime tout le monde, je suis Jérochka ! C’est ça ! n’est-ce pas, père ? »

Et le vieux tapa sur l’épaule du jeune homme d’un air caressant.


XII


Vania était de la meilleure humeur ; il avait eu le temps de mettre son ménage en ordre : il s’était même fait faire