Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/77

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la haie de sa cour tout humide de rosée, le petit perron de sa cabane et la claie ouverte. Sa mère était levée et jetait des bûches dans le poêle. La sœur cadette de Lucas dormait encore sur le lit.

« Eh bien ! Loukachka, dit la mère à demi-voix, t’es-tu assez amusé ? Où as-tu passé la nuit ?

— J’ai été à la stanitsa », répondit le fils de mauvaise grâce, enlevant la housse de la carabine et l’examinant.

La mère hocha la tête.

Après avoir versé de la poudre sur le bassinet, Lucas ôta d’un petit sac plusieurs cartouches vides qu’il remplit, les fermant soigneusement par une balle enveloppée dans un chiffon. Il tira avec ses dents les bouchons des cartouches fermées, et, les ayant examinés avec soin, il les mit dans le sac.

« Mère, dit-il, je t’ai dit de raccommoder les paniers ; l’as-tu fait ?

— Certainement, la muette les a raccommodés hier soir. Est-ce que tu t’en vas déjà au cordon ? Je ne t’ai pas du tout vu.

— Dès que je serai prêt, il faut que je parte, dit Lucas, emballant la poudre. Où donc est la muette ? Est-elle sortie ?

— Elle coupe du bois, probablement. Elle s’afflige de ne pas te voir. « Je ne le verrai plus ! » dit-elle à sa manière. Elle montre son visage, fait claquer ses doigts et presse ses mains contre son cœur pour montrer combien elle t’aime. L’appellerai-je ? Elle a tout compris ce qui concerne l’Abrek.

— Appelle-la », dit Lucas.

La vieille sortit, et au bout de quelques instants les planches du perron crièrent sous les pas de la sourde-muette. Elle était de six ans plus âgée que son frère, et l’on aurait pu dire que sa ressemblance avec lui était frappante, n’eût été l’expression hébétée et grossièrement mobile particulière aux sourds-muets. Elle était vêtue d’une che-