Page:Tolstoï Les Cosaques.djvu/78

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mise de grosse toile toute rapiécée, ses pieds étaient nus et sales, sa tête était couverte d’un vieux mouchoir bleu. Son cou, ses mains, son visage étaient musculeux comme ceux d’un paysan. Ses vêtements et tout son extérieur témoignaient du gros ouvrage qu’elle faisait habituellement. Elle venait d’apporter une brassée de bois, qu’elle jeta dans le poêle ; puis elle s’approcha de son frère, et un joyeux sourire crispa son visage. Elle toucha Lucas à l’épaule et se mit à lui faire rapidement des signes des yeux, des mains et de tout son corps.

« C’est bon ! c’est bon ! Stepka, répondit Lucas, lui faisant un signe de tête ; tu as tout rapiécé et préparé, bonne fille ! Prends, voilà pour toi. » Il tira de sa poche deux pains d’épice, qu’il lui donna.

La muette devint rouge et mugit de joie. Elle saisit les pains d’épice et se mit à faire des signes encore plus rapides, montrant la main dans la même direction et passant ses gros doigts sur ses sourcils et son visage. Lucas comprit et sourit légèrement en hochant la tête. Elle lui disait qu’il devait donner des friandises aux jeunes filles, et que l’une d’elles, Marianka, était plus belle que les autres et qu’elle aimait Lucas. Elle indiquait Marianna en montrant sa cabane et en passant ses mains sur son sourcil et son visage. « Elle t’aime ! » voulait-elle dire en passant ses mains sur son cœur, en baisant sa main et en faisant semblant d’embrasser quelqu’un. La mère rentra, et, devinant de quoi il s’agissait, elle sourit et branla la tête. La muette lui montra les pains d’épice et mugit de nouveau.

« J’ai parlé, l’autre jour, à Oulita, dit-elle, et elle a paru m’écouter avec complaisance. »

Lucas regarda sa mère en silence.

« Quoi donc, mère ! il me faut un cheval ; il faut vendre le vin.

— Quand le temps sera venu, je mettrai le vin en vente et je dresserai les tonnes, dit la mère, ne voulant pas que le fils se mêlât des affaires du ménage. En t’en allant,