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V. — Tentation de la préparation à la vie, au lieu de la vie même.

1. « Je ferai cela quand je serai grand. » — « Je vivrai ainsi lorsque j’aurai terminé mes études, lorsque je me serai marié. » « Je ferai cela lorsque j’aurai des enfants, lorsque j’aurai marié mon fils, où lorsque je serai riche, lorsque j’habiterai un autre endroit, ou lorsque je serai vieux. » Ainsi parlent les enfants, les adultes, les vieillards, et personne ne sait s’il vivra jusqu’au soir. Nous ne pouvons rien savoir de tout cela : si nous aurons ou non la possibilité de le mener à bonne fin, si la mort ne nous empêchera pas de le faire.

Il n’y a qu’une seule œuvre que la mort ne peut entraver : c’est l’accomplissement, à toute heure de la vie, de la volonté de Dieu, celle qui est d’aimer les hommes.

2. Nous pensons et nous disons souvent que « je ne puis pas faire tout ce que je dois par suite de la situation où je me trouve ». Combien cela est faux ! Le travail intérieur, qui est la raison même de la vie, est toujours possible. Tu es en prison, tu es malade, tu es privé de la possibilité, d’entreprendre toute activité extérieure ; on t’offense, on te tourmente ; mais ta vie intérieure est dans ton pouvoir : tu peux, dans la pensée, reprocher, blâmer, envier, détester les hommes, et tu peux aussi réprimer ces sentiments et les remplacer par de bons. De sorte que chaque minute de ta vie est à toi, et personne ne peut te la prendre.