Page:Tolstoi - La Pensée de l’humanité.djvu/371

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4. Ce n’est pas bien de cacher à un malade qu’il peut mourir de sa maladie. Il faut, au contraire, le lui rappeler. En le lui cachant, nous le privons du bienfait que lui donne la maladie ; elle évoque en lui, par la conscience de la mort prochaine, la conscience de la vie spirituelle.

5. Le feu détruit et chauffe. Il en est de même de la maladie. Lorsque, bien portant, nous tâchons de bien vivre, nous le faisons avec difficulté ; durant la maladie, au contraire, tout le poids des tentations mondaines disparaît, on se sent brusquement libre, et l’on est même effrayé de penser—tout le monde l’a éprouvé—qu’aussitôt la maladie passée, ce poids retombe sur vous de toute sa force.

6. Plus l’homme souffre physiquement, mieux il se sent moralement. C’est pourquoi l’homme ne peut pas être malheureux. Le spirituel et le corporel sont comme deux fléaux d’une balance : plus le corporel est lourd, plus le spirituel s’élève, plus l’âme est bien, et vice versa.

7. « La décrépitude, la sensibilité marquent l’évanouissement de la conscience et de la vie de l’homme », dit-on souvent. Je me représente, d’après la légende, le vieux Jean Théologue, tombé dans l’enfance. Il n’aurait fait que répéter : « Mes frères, aimez-vous les uns les autres. » Un petit vieillard centenaire, marchant avec peine, aux yeux larmoyants, marmottant toujours les mêmes