Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/339

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— Eh bien, rentrons ici.

Elle voulut l’entraîner dans une pièce voisine, mais là Tania prenait une leçon avec son Anglaise.

— Alors allons au jardin.

Là ils rencontrèrent le jardinier qui nettoyait les allées.

Peu soucieuse de l’effet que pouvait produire sur cet homme son visage en larmes, sans penser qu’ils avaient l’air de gens s’enfuyant d’un malheur quelconque, tous deux s’éloignèrent rapidement, sentant le besoin d’une explication et d’un tête-à-tête, afin de rejeter loin d’eux le poids de leur tourment.

— On ne peut vivre ainsi ! C’est un martyre ! Je souffre, tu souffres aussi… Pourquoi ? dit-elle lorsqu’ils eurent atteint un banc isolé au coin d’une allée de tilleuls.

— Avoue que dans son attitude il y avait quelque chose de blessant, d’inconvenant ? dit Lévine, debout devant elle, serrant sa poitrine à deux mains comme à leur dernière explication.

— Oui… répondit-elle d’une voix tremblante. Mais ne vois-tu pas, Kostia, que ce n’est pas ma faute ? Dès le matin j’avais voulu le remettre à sa place. — Pourquoi ces gens sont-ils venus ? et les sanglots la secouèrent toute.

Le jardinier, quand il les revit peu après avec des visages calmes et heureux, ne comprit pas ce qu’ils avaient pu trouver de si joyeux sur le banc.