Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/123

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Je remarquai que les orthodoxes tenaient pour hérétiques tous ceux qui n’avaient pas la même croyance qu’eux ; de même que les catholiques et les autres comptaient comme hérétiques ceux qui appartenaient à l’orthodoxie. Je remarquai aussi qu’envers tous ceux qui ne confessaient pas la foi par les mêmes signes extérieurs, par les mêmes paroles, l’orthodoxie se montrait hostile, bien qu’elle essayât de le cacher.

En effet : 1o Affirmer que tu es dans le mensonge tandis que je suis dans la vérité, c’est la parole la plus cruelle qu’un homme puisse dire à un autre ; 2o et l’homme qui aime ses enfants et ses frères ne peut pas ne point se montrer hostile envers des gens qui veulent convertir ses enfants et ses frères à une religion mensongère. Et cette hostilité augmente avec une connaissance plus profonde de la religion.

Quant à moi, qui plaçais la vérité dans l’unité de l’amour, je fus frappé de ce fait que la religion elle-même détruisait ce qu’elle devait produire.

Ce fait est surtout frappant pour nous, hommes instruits, qui avons vécu dans un pays où l’on confesse diverses religions et qui avons vu cette négation méprisante, cette confiance inébranlable qu’affectent les catholiques à l’endroit des orthodoxes et des protestants ; les orthodoxes, envers les catholiques et les protestants ; les protestants envers les deux autres, ainsi que les vieux-croyants et les gens de toute autre religion. On remarque