Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/271

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maison et tu ne m’as point donné d’eau pour me laver les pieds, mais elle a arrosé mes pieds de larmes et les a essuyés avec ses cheveux.

« Tu ne m’as point donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, n’a cessé de me baiser les pieds.

« Tu n’as point oint ma tête d’huile ; mais elle a oint mes pieds d’une huile odoriférante. »

Il lut ce verset et pensa : « Tu ne m’as point donné d’eau pour les pieds ; tu ne m’as point donné de baiser ; tu n’as point oint ma tête d’huile. »

Et Avdieitch, ôtant de nouveau ses lunettes, posa son livre et se mit à réfléchir : « Sans doute, il était comme moi, ce Pharisien. Moi aussi j’ai songé uniquement à moi quand je buvais mon thé, que j’avais chaud et ne manquais de rien. Je ne pensais guère au convive. C’est à moi seul que je songeais, et je ne me souciais point de l’autre. Et le convive, quel est-il ? Le Seigneur lui-même !… S’il était venu chez moi, aurais-je donc agi de la sorte ? »

Et Avdieitch s’accoudant sur ses deux mains, s’endormit sans s’en apercevoir.

— Martin ! fit tout à coup une voix à son oreille.

Martin se réveilla en sursaut : — Qui est là ?

Il se retourna, regarda vers la porte ; personne. Il se rendormit. Soudain, il entendit distinctement ces paroles :

— Martin ! Eh ! Martin ! Regarde demain dans la rue ; je viendrai.