Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/19

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Il a fallu monter lentement, pied à pied, s’y reprendre à bien des fois avant de ravir les richesses dans leurs replis[1].

Quant à la peinture proprement dite et par le pinceau, ce ne fut que sur la fin du dix-huitième siècle que de La Rive et, après lui, Töpffer le père, commencèrent à rendre le paysage suisse, savoyard, de la zone inférieure dans sa grâce et sa poésie familière ; « les masures de Savoie avec leur toiture délabrée et leur portail caduc ; les places de village où jouent les canards autour des flaques ; les fontaines de hameau où une fille hâlée mène les vaches boire ; les bouts de pré où paît solitaire, sous la garde d’un enfant en guenilles, un taureau redoutable ; » puis les marchés, les foires, les hôtelleries, les attelages poudreux avec le chien noir qui court devant, les rencontres de curés, de noces, de marchands forains, les manants de l’endroit avinés et rieurs, « amusants de rusticité. » Les choses en étaient là lorsque Töpffer commença ses voyages pédestres en 1823. Vers le même temps, un peintre de Neuchâtel, Meuron, osait, le premier, tenter de rendre sur la toile « la saisissante âpreté d’une sommité alpine au moment où, baignée de rosée et se dégageant à peine des crues fraîcheurs de la nuit, elle reçoit les premiers rayons de l’aurore. » Mais les Calame, les Diday et autres qui marchent sur leurs traces n’étaient point encore venus. Les classiques d’alors s’attachaient à prouver, par toutes sortes de raisons techniques et de considérations d’atelier, que ces régions supérieures des Alpes étaient essentiellement impropres à être reproduites sur la toile et à devenir matière de tableaux. Impossible, c’était le mot consacré.

Ici va se bien comprendre l’originalité de Töpffer et son coin de découverte pittoresque. Il se met à voyager à pied avec ses

  1. Byron au reste, dans son séjour en Suisse (1816) a senti et pratiqué les Alpes bien autrement que Châteaubriand, qui ne les avait vues qu’en passant (1803), et qui semble les avoir traitées, et le mont Blanc lui-même, du haut de sa grandeur.