colique que d’avoir à se prélasser trois heures durant, au gros soleil, entre un mur de vignoble et une rive de fleuve, avec toute liberté de se cogner à l’un ou d’en finir dans l’autre.
Cependant nos chars sont prêts : l’un à longues échelles sur lesquelles on a disposé en travers des planches garnies de paille ; l’autre, simple char à bancs avec Mouton pour tirer et Rayat pour conduire. En vérité, pour qui peut supporter sans trop de peine l’inconvénient des cahots, ce sont ici les rois des chars, où le grand air qu’on refoule rafraîchit et ravive ; d’où le regard libre en tous sens ne manque ni un voyageur qui passe, ni un nénuphar qui flotte sur l’eau du fossé, ni le spectacle changeant des habitations, des prés, des coteaux ; d’où l’on plane, enfin, d’où l’on règne, au lieu d’être étroitement emprisonné dans l’obscurité étouffée d’une boîte roulante… Que si la plaine est uniforme et rase, et la route plate et monotone, il reste encore la vue des bêtes qui trottent patiemment, l’oreille au fouet, la queue aux mouches ; il reste l’entretien du rocher qui n’est plus ici un postillon de relais, un conducteur cosmopolite, ou un voiturier intéressé, mais un simple manant de l’endroit, fertile en propos, amusant de rusticité, et qui vous renseigne sur ce que vous aimez à connaître non moins par ses réponses nettes et sensées, que par le tour qu’il leur donne et la façon dont il les débite. Ces agréments sont si réels, à notre gré du moins, qu’ils ont fini par nous dégoûter des