un pommier ou blotti parmi les ceps. Cependant le garde champêtre vient à passer, et Bartelli retient jusqu’à son souffle.
Rodolphe Bolesco, tournure Titan, épaule Farnèse, mollets piliers. Peu versé lui-même dans la langue française, il ne laisse pas de tenir note de tous les cuirs qui se font dans la troupe, et d’y trouver un continuel sujet de gaieté, à peu près comme ceux qui, tout en tombant eux-mêmes sur le derrière, rient de voir un bourgeois s’étendre par terre. Possède un rasoir pour son usage, et rase gratuitement berbes et imberbes.
Alexandre Bolesco, frère du précédent, a l’esprit mathématique, sentimental, dialecticien, surpris, troublé, enthousiasmé tout à la fois. Sans cesser de marcher, il discute des problèmes, panégyrise les grands hommes, harangue la belle nature, et intente des questions hors de portée aux pauvres habitants des campagnes. Attaqué, harcelé par tous et par chacun, il oppose des principes, se barricade derrière des formules ou vous cloue au mur avec un argument pointu. Sa casquette est plane, son sac rhomboïdal, et sur tous les objets, pour mieux voir, il braque un lorgnon terne.
Matthias Haller, dit Goulmar parce qu’il est d’Alsace, est soigneux, rangé, les poches pleines de ressources et particularités. Mais comme tous les rangés, comme toutes les poches pleines, il est sujet à des mécomptes et exposé à des larcins.
Gustave Humann emporte une coqueluche et voyage en voiture. Par la portière, il questionne en toussant, et par la portière aussi, il tousse en répondant.
Robert Dudley, Anglais de Florence, a le pas sauterelle et la tournure héron. Naturaliste aussi, il est comme ficelé, emballé, cacheté au centre de caisses à insectes et de fioles d’esprit-de-vin, qui de tous côtés recouvrent sa personne. D’ailleurs, souple, leste, adroit, là où Hippolyte, d’un bond, saute sur sa proie, mais l’écrase, lui attend la sienne, la guette et l’attrape par l’aile ou la saisit par la queue.
Lucien Morelli, bruyant, déterminé, chante ferme, marche dru, boit sec, et, comme Bartelli, chasse aux raisins, pêche les pommes, bat les noyers.
Charles Dumarais est dessinateur, jongleur, amateur et pas du tout marcheur. Mais la fortune vient à son secours, et dans chaque diligence qui vient à passer il rencontre des amis de sa famille qui le hissent à eux et le déposent au prochain relais.
Eugène Marsan est grave, formé, complet. Il compose à lui tout seul l’avant-garde, vu que, par principe, il ne fait jamais de haltes.