Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/355

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après avoir allumé leur pipe et rejeté leur veste sur l’épaule, descendent la côte de ce pas à la fois souple et rassis qui est propre aux montagnards. Comment ne se divertir pas au milieu de ces choses, toutes caractéristiques de la contrée ; et que l’on est donc malheureux si, faute d’un peu de cette curiosité instinctive qui se trouve partout des spectacles, un jésuite, des pâtres, une armée tout entière de taureaux peuvent bien surgir, passer, s’arrêter devant vous sans que vous y preniez plaisir !

Il y a deux manières de s’amuser partout, de profiter partout, de s’enrichir partout de notions ou curieuses, ou récréatives, ou utiles. La première, la paresseuse, la charmante, c’est de flâner ; soit qu’assis sur une chaise ou sur un soliveau l’on regarde quiconque ou encore quoi que ce soit ; soit que, debout sur le seuil ou errant dans la cour, le long du fossé, du bois, du mur, l’on regarde quiconque aussi et quoi que ce soit encore. Nous l’avons dit ailleurs, c’est dans ces moments-là que se présentent réellement à l’esprit le plus d’idées, et cette nonchalance même du corps qui fait songer aux actifs que vous êtes là à perdre votre temps est au fond le meilleur signe qu’à cette heure, au contraire, c’est votre pensée qui se promène à son tour, qui, à son tour, prend ses ébats et court la campagne. Déplacée par le fait même du voyage d’auprès des objets auxquels elle est accoutumée, la voilà qui, au spectacle des plus simples choses, compare, recherche, lie ; la voilà aussi qui poursuit, qui s’égare,