Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/55

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point à décompter, et nulle part mieux que sous les ombrages il ne rencontrera l’ombre de Rousseau. Tout y est en accord avec cette simplicité champêtre, avec cette heureuse vie des champs que lui-même a tant aimée et qu’il a su faire aimer aux autres. Toutefois si le château de Ferney, avec ses terrasses, ses vastes allées, ses bassins de marbre, ses riches tentures, ses portraits de reines et de princes, rappelle à merveille le vieillard philosophe, épicurien, courtisan et gentilhomme, la masure des Charmettes, si solitaire, si agreste, si retirée, rappelle le Rousseau, célèbre déjà et persécuté, qui rebroussait avec un si sincère amour vers l’obscurité tranquille de ses premiers ans, plutôt qu’elle ne reporte aux temps mêmes où, jeune et inconnu, l’enfant de Genève y coulait en paix d’oisives journées.

La maison des Charmettes a changé de maître deux ou trois fois depuis Rousseau. Dans ce moment elle n’est pas habitée, et, à moins de notables réparations, elle ne saurait guère l’être. Le petit appartement qu’on y vient visiter renferme quelques meubles du temps et deux ou trois tableaux qui n’ont de remarquable que d’avoir probablement fixé les regards de l’illustre écrivain. Au premier étage, on voit le prie-Dieu de madame de Warens, et le salon de réunion, dont la tapisserie n’a pas été renouvelée. Enfin devant la maison est un petit parterre, à l’extrémité duquel s’élève le pavillon où Rousseau allait travailler, et c’est dans la muraille de ce pavillon qu’on a incrusté un marbre blanc sur lequel sont gravés les vers si connus de Hérault de Séchelles.

Pendant notre visite aux Charmettes, le ciel s’est chargé de nuages, et la pluie accompagne notre retour à Chambéry. La première personne que nous rencontrons en rentrant à la ville, c’est encore notre officieux de