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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/129

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quelquefois traversé par un long vol d’oiseaux émigrant aux rives lointaines par-dessus nos villes et nos campagnes. C’est par ce ciel que je suis en relation avec le monde extérieur, avec l’espace et l’infini : grand trou où je m’enfonce du regard et de la pensée, le menton appuyé sur le poignet.




Quand je suis fatigué de m’élever, je redescends sur les toits. Là, ce sont les chats, qui, maigres et ardents, miaulent dans la saison d’amour, ou, gras et indolents, se lèchent au soleil d’août. Sous le toit, les hirondelles et leurs oisillons, revenus avec le printemps, fuyant avec l’automne, toujours volant, cherchant, rapportant vers la couvée criarde. Je les connais toutes, elles me connaissent aussi ; non plus effrayées de voir là ma tête, qu’à la fenêtre au-dessous un vase de capucines.

Enfin, dans la rue, spectacle toujours divers, toujours nouveau : gentilles laitières, graves magistrats, écoliers polissons ; chiens qui grognent ou jouent follement ; bœufs qui mâchent, remâchent le foin, pendant que leur maître est à boire. Et si vient la pluie, croyez-vous que je perde mon temps ? Jamais je n’ai tant à faire. Voilà mille petites rivières qui se rendent au gros ruisseau, lequel s’emplit, se gonfle, mugit, entraînant dans sa course des débris que j’accompagne chacun dans ses bonds avec un merveilleux intérêt. Ou bien, quelque vieux pot cassé, ralliant ses fuyards derrière son large ventre, entreprend d’arrêter la fureur du torrent : cailloux, ossements, copeaux, viennent grossir son centre, étendre ses ailes ; une mer se forme, et la lutte commence. Alors, la situation devenant dramatique au plus haut degré, je prends parti