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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/144

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sa venue chez mon oncle, et à force d’imaginer des moyens de la voir, de lui parler, de me faire connaître à elle, j’en vins à former le projet le plus extravagant.

Écarter mon oncle,… la recevoir moi-même,… lui parler… Mais que lui dirai-je ? Savoir que lui dire était la première condition pour que mon plan fût possible ; et j’étais fort embarrassé, car c’était la première fois que j’avais à parler d’amour. Je n’avais pour guides que quelques romans que j’avais lus, où l’on me semblait parler si bien, que je désespérais de pouvoir atteindre à cette perfection.

Oh ! si seulement je pouvais lui peindre l’état de mon cœur ! disais-je. Il me semble que toute fille accepterait ce que je ressens pour elle. Et je sautai à bas du lit pour essayer ce que je pourrais lui dire.




Après avoir allumé ma bougie, je plaçai en face de moi une chaise à qui je pusse m’adresser ; et, m’étant recueilli un moment, je commençai en ces termes :

— Mademoiselle !

Mademoiselle ? ce mot me déplut. Un autre ? Point. Le sien ? Je l’ignorais. Je pensai qu’en cherchant… Je cherchai bien. Rien que mademoiselle ! Me voilà arrêté au début.

— Mais est-ce bien une demoiselle ? Est-ce pour moi une demoiselle comme la première venue ? Mademoiselle ! Impossible. Il ne reste plus qu’à tirer mon chapeau et dire : J’ai bien l’honneur d’être, etc. Je m’assis fort désappointé.

Je recommençai plus de dix fois sans pouvoir trouver autre chose. Je me décidai enfin à éluder la difficulté en écartant ce mot, et je repris d’un ton passionné :