Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/143

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de docte satisfaction, se peignit sur le visage de mon oncle Tom, et je crus l’entendre dire : — Bon, le remède opère.

— Que m’avez-vous donc fait ? lui dis-je.

— Tu le sauras. Je tiens ici ton cas, page 64 d’Hippocrate, édition de la Haye. Pour le moment, il ne nous faut que de la tranquillité.

— Mais, mon oncle…

— Quoi ?

Je ne savais comment m’y prendre pour engager mon oncle à me parler de la jeune juive, sans lui révéler ce que je sentais pour elle. J’aurais voulu le mettre sur la voie.

— Demain, ne m’avez-vous pas dit ?… et je me tus.

— Demain ?

— Elle vient chez vous.

— Qui ?

Je craignis d’en avoir trop dit. C’est la fièvre…

— La fièvre ?




Aussi mes questions et mes réponses lui semblèrent-elles incohérentes au dernier point, et je l’entendis murmurer le mot de délire ; sur quoi il sortit. Bientôt l’échelle roula, je tressaillis ; mais c’est tout ce que je pus ressaisir de la situation d’où je venais de sortir. Je fis d’incroyables efforts pour retrouver le sommeil et mon songe. Rien. Je ne pouvais pas même ressaisir cette réalité, dont auparavant je me contentais : le songe l’avait effacée, sans que je pusse la faire renaître ; c’était le vide. Ce ne fut qu’après m’être reporté en idée au lendemain, que je pus retrouver l’image de ma juive, antérieure à mon sommeil. Je me représentai de mille façons