Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/165

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cœur ; elle y réveille le souvenir de beaucoup de paroles, de beaucoup de choses, dont il ne pénétra point jadis le lugubre sens ou le charme consolateur.




C’était aux jours de sa première jeunesse, un dimanche ; il vit, il entendit des convives réjouis, assis sous une treille, fêtant la vie, narguant la tombe ; l’on riait, l’on buvait, l’on égayait cette courte existence ; et le couplet, s’échappant de dessous le feuillage, volait joyeusement par les airs :


…Puisqu’il faut dans la tombe noire
S’étendre pour n’en plus sortir,
Amis, il faut jouir et boire ;
Amis, il faut boire et jouir…

Et, quand la camarde à l’œil cave
Viendra nous vêtir du linceul,
Encore un verre !… et de la cave
Passons tout d’un saut au cercueil !


Et le chœur répétait avec une mâle et chaude harmonie :


Et, quand la camarde à l’œil cave
Viendra nous vêtir du linceul,
Encore un verre !… et de la cave
Passons tout d’un saut au cercueil !




Autrefois, plus anciennement encore, c’était au coin d’un champ pierreux, un vieillard infirme, courbé sous le rude travail du labourage. Sous le feu du soleil il défrichait une lande stérile ; la sueur ruisselait de sa tête chauve, et la bêche vacillait dans ses mains desséchées.