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Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/181

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— Cette madone, reprit mon oncle, je l’avais ôtée de là pour des raisons… J’aurais dû ne pas l’ôter… Je te la donne. Tu la descendras.

Pendant qu’il disait ces mots, mon oncle avait repris son calme habituel. Pour moi, surpris au milieu de ma tristesse par ces paroles de regret, qu’accompagnait un don généreux, ce fut à mon tour d’être ému et embarrassé.

— Mais, continua-t-il en souriant, en revanche, tu me rendras mes livres. Mon Grotius s’ennuie là-bas..... mon Puffendorf y sommeille… La vieille me parle d’araignées qui tendent leurs toiles de l’un à l’autre… Après tout, que chacun suive sa pente… Le droit est pourtant une honorable carrière !… Mais quoi ? les arts ont du bon aussi… On peint la belle nature, on compose des scènes variées, on se fait un nom… On n’y devient pas riche ; mais enfin on peut y vivre modiquement… De l’économie, quelques gains, un peu d’aide… Bientôt, quand je ne serai plus, mon petit avoir…

Ici, ne pouvant retenir mes larmes, j’y donnai cours, m’abandonnant à toute l’affliction que provoquaient en moi ces paroles.




Mon oncle se tut, et, se méprenant sur la cause de mes larmes, il ne tenta pas d’abord de me consoler ; mais, après quelque silence, s’approchant de moi :

— Une fille si sage ! dit-il, si belle !… une fille si jeune !

— Ce n’est pas elle que je pleure, bon oncle ; mais vous me dites des choses si tristes !… Que deviendrai-je quand vous ne serez plus ?

Ces paroles, en tirant mon oncle de son erreur, lui