Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/188

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et pure, à l’abri des zéphyrs et à l’abri des tempêtes ; que ce ne soit point cet inconstant ruisseau qui se lance à chaque pente, qui se divise à tout contour, et dont l’onde, tantôt échauffée, tantôt refroidie, baigne toute fleur, s’imprègne de toute saveur, change selon la couleur du ciel, ou avec le sable de son lit. Je veux aimer dans mon ami son affection pour moi, le charme que j’éprouve à le chérir moi-même, nos souvenirs communs, nos espérances mutuelles, nos entretiens intimes, son cœur connu du mien ; ses vertus qui captivent mon âme, ses talents dont mon esprit tire jouissance, et non point sa voiture, son hôtel, son rang, sa charge, sa puissance ou sa renommée. Je le veux, bourgeon ; ainsi, arrière !

Ce sont mes plaisirs ensuite. Je veux les chercher où mon penchant les trouve, n’importe l’habit des gens et la dorure des lambris. Je veux les goûter simples si je puis, mais vrais toujours, tirant leur saveur de quelques assaisonnements du cœur ou de l’esprit, de quelque attrait vif et honnête, de quelque innocente conquête sur le mal, sur la paresse, sur l’égoïsme ; je veux les goûter dans le plaisir des autres plus que dans le mien propre : car la souveraine joie est celle qui se partage, s’étend, circule, et pénètre le cœur d’une chaleur expansive. Ainsi, bourgeon, arrière ! laisse-moi sous ma charmille avec ces bonnes gens. — Mais vous êtes vu ! — Je m’en soucie. — Mais vous êtes, en manches de chemise ! — J’en suis plus au frais. — Mais vous avez l’air d’être de leur compagnie ! — Je l’entends bien ainsi. — Mais voici une voiture !… — Qu’elle roule. — Mais des citadins qui vous connaissent ! — Salue-les de ma part, et arrière ; bourgeon !

C’est enfin mon bon sens, ma façon ; non-seulement