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de me conduire, mais de juger les autres, de peser ce qu’ils valent, et de les ranger dans mon estime. Arrière encore, bourgeon ! Tu es le père de la sottise, si tu n’es la sottise elle-même. Arrière ! je vois qui tu me montres, de qui tu m’approches. Il y a du bon, il y a du beau souvent sous ces dehors qui te séduisent ; mais il y a du bon, il y a du beau aussi sous cette bure que tu dédaignes. Avant de peser ces hommes, souffre que l’un et l’autre je les dépouille. Bourgeon, j’avais un oncle dont tu eusses tiré honte plutôt que gloire… j’ai aimé une juive qui n’eût obtenu que tes dédains… Arrière ! à jamais arrière !




Outre mon oncle Tom, moi, et le peintre dont j’ai parlé précédemment, il y avait d’autres locataires dans la maison. Je vais les énumérer en allant du bas en haut, pour arriver ainsi jusqu’à celui qui, le plus près du ciel, en prit le chemin vers ce temps, laissant vacante une belle mansarde au nord, où j’allai m’établir.

Ne me demandez pas, lecteur, ce qu’ont à faire dans mon histoire ces nouveaux personnages. Rien peut-être. Mais, si vous m’avez accompagné jusqu’ici, que vous coûtera une digression de plus ? Vous y êtes accoutumé, et moi j’aurai fait revivre ces figures qui me sont chères, comme l’est toute ressouvenance du jeune âge. À moi donc, antiques locataires, voisins d’autrefois, disparus aujourd’hui de la scène du monde, mais dont mon cœur cultive avec charme le lointain souvenir !

C’était d’abord, sur le même étage que nous, un régent retraité, vieux bonhomme, tout occupé du soin de manger agréablement une paye morte gagnée par quarante années de travaux. Tranquille et jovial épicu-